Pollution
Humain
Environnement
Economique

Dans une usine chimique, un opérateur effectue une ronde lors du redémarrage d’un procédé d’estérification quand il constate une fuite alimentée de méthanol (CH4O, liquide inflammable) sur un réservoir alimentant le procédé. La partie supérieure du réservoir s’est écrasée et du méthanol se déverse dans la cuvette de rétention du réservoir voisin par une déchirure, ainsi que par une canalisation d’inertage à l’azote des réservoirs. Le POI est déclenché, les pompiers internes arrosent la fuite avec de l’eau et recouvrent de mousse la cuvette de rétention afin d’éviter les risques d’inflammation. Le réseau des eaux pluviales de l’usine est isolé par précaution. La fuite s’interrompt au bout de plusieurs minutes quand le niveau dans le réservoir devient inférieur à la hauteur de la déchirure. Une dizaine de tonnes de méthanol a été recueilli dans la cuvette de rétention. Le mélange eau d’arrosage/méthanol est ensuite pompé par une société spécialisée.

Deux réservoirs de 50 m³ de méthanol alimentent le procédé d’estérification en continu de l’atelier voisin. En marche normale, ils ont chacun leur vanne de fond ouverte et communiquent entre eux par une canalisation alimentant le réacteur grâce à une pompe. Un refoulement du méthanol pompé en excédent se fait sur le réservoir 1 car le débit de la pompe est dix fois supérieur au débit normal d’utilisation. Quand l’atelier est à l’arrêt, la pompe procédé est arrêtée et les 2 vannes de fond sont fermées manuellement suivant une procédure bien définie. De plus, chaque réservoir est alimenté par une canalisation d’azote permettant d’inerter son ciel gazeux (ligne de respiration) et servant aussi de garde hydraulique (ligne de débordement). Cette alimentation en azote permet aussi de maintenir le réservoir en pression positive au fur et à mesure qu’il se vide, évitant ainsi son écrasement par dépression. Trois ans avant l’accident, un deuxième ensemble pompe et canalisation a été installé sur ces même réservoirs pour fournir du méthanol à la station de traitement des effluents organiques de l’usine lors des période d’arrêt du procédé pour maintenir en vie les bactéries dégradant les effluents carbonés. L’usage de ce dispositif est rare et ne fait pas l’objet de procédure documentée.

Le jour de l’accident, le procédé d’estérification doit être redémarré après 4 jours d’arrêt pendant lesquels les 2 réservoirs ont été rechargés en méthanol. Peu avant le démarrage, un opérateur transfert du méthanol vers la station de traitement suite au constat d’un niveau insuffisant d’effluents carbonés. L’opérateur n’ouvre que la vanne manuelle de fond du réservoir 2, celle du réservoir 1 étant difficile d’accès. Il arrête la pompe de transfert vers la station mais laisse la vanne du réservoir 2 ouverte. Peu après, un autre opérateur chargé du procédé redémarre l’atelier d’estérification et, constant que la vanne du réservoir 2 est ouverte, suppose que celle du réservoir 1 l’est aussi (celle-ci n’est pas visible depuis son poste). Il démarre la pompe procédé sans vérifier la check-list de démarrage. Le réservoir 2 se vide et reste en pression positive grâce à l’arrivée d’azote. Le réservoir 1 se remplit à cause du refoulement de méthanol mais ne se vide pas car sa vanne de fond est fermée : le méthanol déborde dans la garde hydraulique qui se bouche et cesse d’alimenter en azote le ciel gazeux du réservoir 2. Celui-ci s’écrase sous l’effet de la dépression, sa paroi se déchire par pliage et la fuite se produit. Croyant bien faire, l’opérateur ouvre la vanne de fond du réservoir 1, ce qui débouche la garde hydraulique alimentant en azote les 2 réservoirs. Le niveau des 2 réservoirs s’équilibre alors (vases communicants) et le retour de l’azote dans le ciel du réservoir 2 augmente le débit de fuite.

L’exploitant ne maintient en service qu’un seul réservoir, révise l’étude de sécurité du stockage méthanol, clarifie les rôles respectifs des opérateurs, leur rappelle la nécessité de suivre les procédures opératoires point par point et de faire remonter toute difficulté d’application (ex : vanne peu accessible). Un retour d’expérience fait au niveau du groupe préconise : de revoir la conception de ce type de stockage pour rendre les lignes de débordement et de respiration indépendantes; de considérer que l’existence d’une garde hydraulique, même sans vanne d’isolement, n’est pas une barrière infaillible contre les risques de mise en dépression de réservoir.