Pollution
Humain
Environnement
Economique

Dans une usine de fabrication de composés chimiques de base implantée dans un parc industriel spécialisé dans la chimie, un feu se déclare sur des cuves de stockage de benzène. A 14h50, une déflagration d’une extrême violence survient. Une immense boule de feu de plusieurs dizaines de mètres de haut se forme, suivie par un bruit assourdissant. Un cratère de plus de 120 m de diamètre et 1,7 m de profondeur se forme et une épaisse colonne de fumée noire se dégage. Un tremblement de terre de magnitude 2,2 sur l’échelle de Richter est enregistré.

Plus de 900 secouristes sont envoyés sur place, soit près de 200 camions de pompiers. Par crainte de nouvelles explosions et d’émanations toxiques, 3 000 travailleurs de la plateforme et 1 000 riverains sont évacués. Les écoles sont fermées. Les autorités locales mettent en place des barrages pour éviter la contamination des cours d’eau et de la Mer Jaune par les écoulements d’eaux souillées par les produits chimiques. L’incendie est maîtrisé dans la nuit.

Au 25/03, le bilan est de 78 morts, dont des pompiers et une grande partie d’ouvriers ayant péri dans l’effondrement des usines. Les fouilles se poursuivent pendant plusieurs jours dans les décombres à la recherche de survivants. 566 personnes sont hospitalisées, dont 66 gravement blessées et 13 en urgence absolue. Beaucoup d’habitants ont été blessés par des éclats de verre dont 136 élèves.

Le paysage post-accident est apocalyptique : de nombreux bâtiments autour du site ont été soufflés et des vitres brisées sur un rayon de 4 à 6 km. 89 maisons endommagées rendues inhabitables sont détruites et les habitants relogés. 1 600 autres maisons sont abîmées.

Le vent permet une dispersion relativement rapide des polluants : dioxyde de soufre, oxydes d’azote, benzène, toluène et xylène. Néanmoins, le lendemain matin, des concentrations en NOx valant le double de la limite sanitaire sont relevées à 3,5 km en aval éolien du site. Le même jour, des prélèvements dans les 3 rivières traversant la zone industrielle révèlent une pollution aux COV : chloroforme, chlorure de méthylène (concentration 8,4 fois supérieure à la norme), dichloroéthane (concentration 2,8 fois supérieure à la norme) et toluène. Le 25/03, des produits toxiques (nitrate d’ammonium et aniline) à des concentrations jusqu’à 111 fois supérieures aux normes nationales sont détectés dans une rivière voisine.

Le 30/03, 18 000 m³ d’eaux polluées (contenues dans le cratère issu de l’explosion) sont acheminées vers les installations de traitement des eaux usées de 2 usines chimiques voisines pour y être temporairement stockées. Ces eaux polluées acides sont préalablement neutralisées avec des substances alcalines. Les polluants résiduels présents au fond du cratère sont neutralisés et solidifiés à la chaux avant d’être traités comme déchets dangereux, de même que les sols pollués.

Plusieurs arrestations ont lieu. Selon le témoignage d’un employé, le feu aurait pris sur un camion transportant du gaz naturel et se serait propagé aux stockages de benzène. L’entreprise a un lourd passif. Ainsi, en 2014, le directeur et un autre cadre avaient été arrêtés pour suspicion d’enfouissement de déchets dangereux dans une décharge communale (condamnation à 1 million RMB, soit 130 000 €, en 2017). Entre juillet 2016 et juillet 2018, le site a écopé de 7 condamnations pour violation des réglementations sur la pollution atmosphérique et la gestion des déchets solides. Le montant des amendes cumulées depuis 2016 est de 1,79 million RMB (240 000 €).

Suite à une explosion survenue à Lianyungang, également dans la province de Jiangsu, et ayant fait au moins 10 morts le 09/12/2017, une campagne d’inspection renforcée avait été menée dans la région. Elle avait conduit en février 2018 à l’identification de plus de 13 non-conformités majeures pour la sécurité dans l’usine impliquée dans le présent accident :

  • insuffisance de la qualification du personnel ;
  • Insuffisance de la formation à la sécurité ;
  • insuffisance des procédures de sécurité ;
  • insuffisance des mesures de prévention du risque incendie ;
  • absence d’inspections sur l’état des installations ;
  • problèmes techniques tels que : absence de certaines valves de sécurité, nombreuses fuites sur les stockages de produits chimiques, absence de dispositif d’urgence d’évacuation des fuites sur le site de chargement et de déchargement du benzène et du méthanol.

L’usine était considérée comme une “bombe à retardement” par les riverains (depuis le 1er accident survenu peu après l’ouverture de la plateforme chimique en 2007 et ayant fait 8 morts).

Cette explosion est l’accident industriel le plus meurtrier en Chine depuis celui de à Tianjin en 2015, ayant fait au moins 165 morts (ARIA 46803). Le montant des dégâts matériels internes, enlèvement des débris et coûts de réhabilitation sont évalués à 679 M€ (basé sur les indices de valeur à décembre 2019).