Pollution
Humain
Environnement
Economique

L’acrylate de méthyle est un liquide très inflammable (point éclair en coupelle fermée = -2,8 °C) dont les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l’air dans les limites de 2,8 à 25 % en volume. Ce produit est incolore, volatil, d’odeur âcre et piquante, détectable à très basse concentration (à 0,1 ppm). Il est nocif par inhalation, voie cutanée et en cas d’ingestion.

Vers 17 h, dans une usine de recherche et de production industrielle de principes actifs pour l’industrie pharmaceutique, des odeurs d’acrylate de méthyle sont perçues sur le site à proximité de l’atelier où un chargement de fûts d’acrylate de méthyle est en cours. L’exploitant fait évacuer l’atelier par mesure de précaution.

Supposant en 1ère intention que l’émanation d’odeur est liée à l’opération de chargement en cours, il envoie l’échappement du réacteur, jusqu’alors sur simple évent, sur la colonne de lavage des gaz. Il poursuit le chargement, les odeurs n’étant plus ressenties.

Vers 21 h, les riverains à 800 m perçoivent des odeurs et appellent les secours. Les pompiers effectuent des reconnaissances et font le lien avec le site. A 22h10, l’exploitant déclenche le POI. Il fige la réaction en cours en diminuant la température de 80 à 30°C. Une famille de 8 personnes est évacuée provisoirement. Vers 1 h, la CMIC effectue des mesures : elle constate 0 ppm à l’extérieur du site et 55 ppm à l’intérieur au niveau de l’évent de la colonne. L’exploitant lève le POI à 0h45. Il diffuse un communiqué de presse.

L’analyse des causes

Après analyse des causes, l’odeur d’acrylate de méthyle ne provient pas de l’atelier utilisant cette substance, ni de la colonne de lavage, mais d’une cuve de stockage de déchets. Avant de charger le réacteur, l’exploitant a vidangé les résidus de distillation contenant de l’acrylate de méthyle vers la zone de traitement des déchets. Suite à la panne d’une vanne, ces déchets ont été envoyés vers une cuve de stockage inhabituelle, dont la pression de tarage est inférieure à la pression de tarage de la soupape de la cuve habituelle (50 mbar au lieu de 100 mbar). Lors de la vidange des déchets, un ciel gazeux d’acrylate de méthyle s’est formé au-dessus du liquide dans cette cuve. Au moment de la vidange du 2ème conteneur de résidus, le volume déplacé et la tension de vapeur saturante de l’acrylate de méthyle (92 mbar à 20 °C) ont été suffisants pour ouvrir la soupape et libérer les odeurs. A noter que les conditions météorologiques, inversion thermique, absence puis changement de direction du vent, ont aggravé la stagnation puis le développement des odeurs sur le site et en périphérie.

L’hypothèse de la formation d’un mélange incompatible dans la cuve, qui aurait provoqué une réaction exothermique, n’a pas pu être vérifiée du fait de l’absence de sonde de température.

Les fiches de destruction de déchets ne permettent pas d’avoir la liste des substances contenues dans le lot de déchets liquides et par conséquent de prévenir les risques de mélanges incompatibles. De plus, la procédure de gestion des déchets ne précise pas de correspondance entre les déchets liquides et une cuve dédiée à leurs caractéristiques.

Les actions mises en œuvres:

L’inspection des installations classées se rend sur place le jour de l’accident et propose un arrêté préfectoral de mesures d’urgence conditionnant le redémarrage des installations à la mise en place d’actions correctrices par l’exploitant. Ce dernier propose les actions immédiates suivantes :

  • réparer la vanne d’orientation des déchets ;
  • améliorer le système de traitement des effluents gazeux ;
  • sensibiliser les opérateurs pour améliorer la gestion des déchets ;
  • mettre à jour la procédure pour identifier les destinations des déchets en fonction de leur nature.

A plus long terme, l’exploitant prévoit de :

  • ajouter un scénario « mélange d’effluents incompatibles » dans l’étude de dangers du parc déchets ;
  • mettre à jour et homogénéiser les fiches de destruction de déchets pour pouvoir évaluer le risque de mélanges incompatibles ;
  • réviser les standards de conception des cuves puis les modifier en fonction des conclusions.

En complément, l’inspection demande à l’exploitant de faciliter la prise de décisions pour, face à une situation anormale, déclencher rapidement le POI et arrêter ou non les installations.