Pollution
Humain
Environnement
Economique

L’incinération d’effluents organiques inflammables (cyclohexane et goudrons lourds d’olone) d’une usine chimique est en cours depuis 5h30 quand le débit de la ligne alimentant le four devient instable, provoquant l’arrêt du brûlage à 11h25. Des tentatives infructueuses de redémarrage du brûleur depuis la salle de contrôle amènent l’opérateur de conduite à couper la pompe alimentant la ligne depuis le réservoir des effluents à 11h30. Un agent d’exploitation est envoyé dans l’installation pour la redémarrer manuellement. Tout semble normal (bruit, pression) et celle-ci redémarre au 3ème essai à 11h33 mais s’arrête 1 min après. L’agent perçoit alors des odeurs d’effluent organique et détecte une fuite sur un coude de la tuyauterie. Il alerte la salle de contrôle. Il s’approche pour examiner la fuite quand cette dernière s’enflamme (flash) puis explose. L’agent et un autre opérateur combattent le foyer à l’aide d’extincteurs portatifs, mais n’arrivent pas à maîtriser la fuite enflammée. Un extincteur de 100 l disponible dans l’installation permet de maîtriser le foyer pendant que la ligne d’alimentation est isolée par fermeture des vannes, le four mis en arrêt d’urgence. Les pompiers internes arrivent sur le lieu du sinistre et maîtrisent un 2ème départ de feu à l’aide de lances à eau. Alertés, les services de secours arrivent sur site mais n’ont pas à intervenir. Le bruit de l’explosion ayant été perçu des riverains du village voisin, l’exploitant envoie un communiqué de presse. L’alerte est levée à 12h15.

L’avant-veille de l’accident, une opération exceptionnelle d’incinération de déchets organiques déperoxydés avait conduit à isoler du four le réservoir stockant les effluents organiques à brûler et à brancher la ligne d’alimentation du four sur un conteneur abritant ces déchets. Le circuit de recirculation du réservoir avait donc été coupé. Le matin de l’accident, les opérateurs ont rebasculé l’alimentation de la chaudière sur le réservoir en oubliant d’ouvrir la vanne du circuit de recirculation. Quand l’alimentation du four par le réservoir a été relancée, la ligne est montée progressivement en pression suite à l’encrassement d’un filtre (jamais nettoyé) sur la ligne et à l’impossibilité d’évacuer la pression vers le réservoir fixe à cause de la vanne de recirculation fermée. La pompe d’alimentation a eu de plus en plus de mal à assurer la pression nominale, déclenchant l’arrêt du brûleur du four. La veille, la ligne d’alimentation est rincée à l’eau une fois le conteneur vide, mais les opérateurs ne la vidangent pas. Jusqu’au matin de l’accident, cette tuyauterie (tracée à la vapeur (période hivernale avec risque de gel)) reste pleine d’eau pendant 29 h, provoquant une dilatation thermique de l’eau qui affaiblit les joints de la ligne par surpression. Les à-coups de pression engendrés dans la ligne par les tentatives de redémarrages de la pompe provoquent la rupture d’un joint au niveau de la bride d’un coude, puis la fuite de l’effluent organique inflammable qui se vaporise dans l’atmosphère chaude de l’unité d’incinération (t° > 35 °C) et s’enflamme puis explose (UVCE) au contact du casing de la chaudière (t° > 250 °C).

Un test à l’eau de la ligne de recirculation révèle un 2ème joint défaillant sur une bride. Il n’existe aucun mode opératoire formalisé ou check-list pour la procédure de basculement de la boucle d’alimentation du four entre le réservoir (mode normal utilisé la plupart du temps) et un conteneur (utilisation plus rare, 1 fois par mois). Les actions à effectuer lors de la séquence de basculement sont transmises de façon orale entre les opérateurs de l’unité, ce qui favorise le risque d’oubli de manœuvre d’une des 5 vannes impliquées dans la séquence. De plus, le scénario accidentel n’avait pas été étudié par l’exploitant car il ne risquait pas de provoquer un accident majeur ou des effets en dehors des limites du site, ce qui l’a conduit à sous-estimer le risque de fonctionnement en surpression dans la pompe et de dilatation thermique dans la ligne d’alimentation.

L’exploitant change tous les joints de la ligne et remplace le câblage, les vannes et l’instrumentation endommagés par les effets thermiques (9 jours de travaux), cadenasse la vanne de recirculation du réservoir en position ouverte, installe une sécurité de pression haute arrêtant la pompe d’alimentation et supprime le traçage à la vapeur de la ligne qui n’est pas nécessaire pour l’effluent à brûler. Dans un 2ème temps, il supprime un maximum de brides sur la ligne et ajoute des brises jets sur les brides restantes. La puissance de la pompe d’alimentation est réduite, sa puissance initiale étant surdimensionnée, et le filtre (inutile) est supprimé. Enfin les injections exceptionnelles de déchets organiques dé-peroxydés dans le four d’incinération en utilisant la ligne des effluents organiques est arrêtée.