Pollution
Humain
Environnement
Economique

Une décomposition auto entretenue (DAE) d’un stock de 10 000 t d’engrais 21-00-21 NK à base de nitrate d’ammonium se produit vers 22h30 dans un entrepôt portuaire de 5 000 m² en bordure d’une ville de 42 000 habitants. Une épaisse fumée de vapeurs nitreuses jaune-orangée se dégage du foyer et recouvre une partie de la ville. Ignorant les caractéristiques de cette réaction, les pompiers professionnels et volontaires enlèvent d’abord des éléments du toit de l’entrepôt pour faire baisser la température à l’intérieur qui atteint 500 °C et éviter la détonation. Mais cette mesure favorise la propagation de la fumée. Changeant de tactique, ils arrosent abondamment des tas d’ammonitrates retirés à la pelleteuse pendant que des engins portuaires sont réquisitionnés pour ériger une barrière de conteneurs contre la fumée. Des bassins de rétention sont creusés dans l’urgence derrière l’entrepôt pour stocker les eaux d’extinction. Devant l’inefficacité de ces mesures, 20 % de la population, vivant dans les 13 quartiers environnants, est évacuée pendant 3 jours et 800 riverains sont confinés pendant les 12 premières heures. Le panache de fumée atteint des villages côtiers situés jusqu’à 40 km. L’état d’urgence est décrété par le gouverneur de l’état, le port est fermé, un périmètre de sécurité de 2 km est établi et toutes les routes d’accès sont coupées par la police. Au bout de 30 h de lutte, une équipe de 5 experts appartenant à un fabricant d’engrais de la région de Sao Paulo (600 km du site), venue par ses propres moyens, réussit à rencontrer le responsable de la lutte malgré les barrages policiers et à le convaincre d’arroser avec des jets d’eau à haute pression le cœur des foyers de DAE détectés préalablement grâce à une caméra thermique apportée par ses soins. Les foyers sont éteints au bout de 27 h. Un pompier volontaire est gravement intoxiqué après avoir été surpris par un changement de vent, plus de 210 riverains légèrement intoxiqués (irritation des yeux, de la peau et des muqueuses, maux de têtes, vomissement et nausées) sont placés en observation. Le feuillage présent dans un rayon de plusieurs km est détruit par les fumées oxydantes, les logements des riverains sont recouverts d’une croûte jaunâtre et une partie des appareils ménagers fortement corrodés doit être jetée. Les eaux d’extinction sont pompées par l’exploitant pour être utilisées comme engrais, et le produit restant est éliminé dans un centre d’enfouissement pour déchets dangereux.

Les ammonitrates seraient d’origine canadienne et venaient d’être débarqués. Une enquête est effectuée, l’entrepôt (murs en brique, toit en fibrociment, sol asphalté) n’est pas autorisé à stocker des matières dangereuses et ne possède aucun moyen de protection anti-incendie et d’extinction: une amende de 10 M Reais (3,5 M d’Euros) sont infligées à l’exploitant de l’entrepôt et au propriétaire du stock pour dommages à l’environnement.

L’enquête effectuée par les autorités de l’état du Santa Catarina (SC) montre que les conditions de stockage inappropriées de l’engrais en vrac depuis 25 jours dans une atmosphère très humide (climat subtropical) ont provoqué la transformation du chlore présents dans le produit en chlorure qui a catalysé la réaction de décomposition. La présence d’impuretés organiques à l’origine du lancement de la décomposition est jugé très probable par les experts vu l’état de propreté du site, aucune source de chaleur externe n’ayant identifiée (hangar non électrifié, pas de travaux par points chauds).

Le stockage d’engrais était une activité relativement nouvelle pour le site accidenté, le port s’étant reconverti depuis 2 ans dans le transit de produits agricoles suite à la concurrence d’un nouveau port à proximité. La réglementation fédérale brésilienne et celle l’état du SC ne prenait pas en compte les risques liés au stockage logistique de produits et matières chimiques dangereux, aucun contrôle des marchandises débarquées dans le port n’était effectué par le gestionnaire. Après l’accident, une inspection a montré que sur les 35 sites logistiques en activité dans la zone portuaire, 16 d’entre eux étaient en situation irrégulière sur un ou plusieurs aspects réglementaires importants (autorisation d’exploiter, défense anti-incendie…). L’état du SC modifie sa réglementation environnementale pour rendre obligatoire la déclaration du stockage des AN simples ou composés et l’installation de moyens de prévention et de lutte incendie dans les entrepôts concernés. De son côté, le gestionnaire du port installe un système informatique de contrôle des marchandises débarquées et d’identification du site logistique destinataire.