Dans un commerce de gros de produits agricoles bordant un village de 2 700 habitants, un feu embrase vers 19h20 un hangar en bois de 400 m² dédié au conditionnement / stockage de semences et d’engrais, alors que le site est fermé. Un témoin alerte les pompiers volontaires locaux à 19h29. Intervenant 3 min plus tard avec 2 camions citernes et une vingtaine d’hommes, dont le responsable du site, les secours ne peuvent éviter la propagation des flammes à un autre hangar. Redoutant BLEVE et fuites toxiques, ils refroidissent 2 citernes de 45 m³ d’ammoniac jouxtant les hangars et demandent des renforts.
A 19h51, une violente explosion ressentie à 80 km (magnitude évaluée à 2,1) souffle un hangar, creusant un cratère de 27 m de diamètre pour 3 m de profondeur. L’onde de pression rase le site (4 silos à grain, le bâtiment administratif, le 2ème hangar, un wagon de 100 t d’ammonitrates) et un immeuble de 50 appartements à 50 m ; 70 bâtiments sont détruits et 350 autres endommagés, dont 4 ERP (collège, lycée, maison de retraite…) tous situés de 140 à 400 m. Des débris sont projetés à plus de 1,5 km et des vitres sont brisées dans un village à 11 km.
15 personnes sont tuées : 10 pompiers, 2 secouristes et 3 riverains dont 2 aidant les secours. 226 personnes sont blessées dont 24 gravement. Les riverains rejoignent un stade où ils sont triés pour recevoir les premiers soins.
Des pompiers arrivés en renfort des villes proches arrosent les décombres du site toujours en feu ; entre 20 et 72 h seront nécessaires pour éteindre les foyers résiduels et fouiller les décombres des bâtiments détruits. Plus de 1 000 personnes sont privées d’électricité et le réseau d’eau de la ville est endommagé. Les dommages sont évalués à 100 MUSD. Le lycée réouvre le lendemain et le collège plus atteint 5 jours plus tard. Sur le site, 136 t de grains éparpillés seront collectés.
Selon les autorités, 28 à 30 t d’engrais ammonitratés ont détoné sur les 50 t conditionnées dans des boîtes en bois. Confinés et soumis à une température élevée (> 300°C) dans le hangar en feu, les ammonitrates se sont décomposés. La chute de morceaux de charpente a initié la détonation d’une partie du stock, entraînant une 2ème explosion quelques millisecondes après. L’équivalent TNT de ces détonations est évalué entre 6 et 9 t.
Le feu pourrait avoir 3 origines :
- acte de malveillance : le site, non clôturé ni gardienné, a été victime de 10 effractions ces 11 dernières années, principalement pour voler de l’NH3 anhydre (fabrication de stupéfiants) ;
- défaillance de l’installation électrique 127 V du hangar ;
- court-circuit sur une batterie d’une voiturette de golf garée dans la salle où a pris le feu ; ce modèle avait fait l’objet d’un rappel constructeur pour batterie non conforme.
Fin 2012, l’établissement avait réceptionné 270 t d’ammonitrates pour la campagne de fertilisation 2013 (120 t étaient déjà revendues). Ces stocks d’engrais n’avaient pas été déclarés à l’agence fédérale pour la sécurité intérieure et à la brigade locale de pompier.
Les pompiers, concentrés sur le risque toxique (NH3), n’avaient pas conscience du risque de détonation des ammonitrates, largement sous-estimé. Soumis à des températures élevées, les ammonitrates peuvent pourtant se décomposer, voire détoner au delà de 300 °C. Leur sensibilité à la détonation augmente avec :
- un contact avec des substances incompatibles : matières organiques (fioul, huiles…), soufre, métaux en poudre et autres substances réductrices (ARIA 5009, 11145, 14732, 25669) ;
- un fort échauffement dans la masse avec fusion partielle ou totale (ARIA 535, 12271) ;
- une charge explosive « primaire » conséquente (> 10 kg).
Equipé d’extincteurs, le hangar sinistré était dépourvu de sprinkler, murs coupe-feu et système d’évacuation des fumées. Le site n’avait pas été inspecté depuis 28 ans. L’Agence fédérale de l’environnement avait sanctionné l’exploitant en 2006 pour non-déclaration de risques d’incendie / explosion, ainsi que pour l’inadaptation de son plan de prévention. Construit en plein champ 50 ans plus tôt, le site a été rattrapé par l’urbanisation, les mesures locales de maîtrise de l’urbanisation n’imposant qu’une évacuation du collège situé à 300 m en cas d’incendie de l’établissement.