Pollution
Humain
Environnement
Economique

En fin d’une période de maintenance (grand arrêt) dans une usine chimique, l’unité de fabrication de nitrate d’ammonium en solution chaude (NASC) est redémarrée vers 12 h.

Vers 22 h, des chauffeurs routiers présents dans la zone de chargement de la raffinerie voisine, à 800 m de l’unité, signalent aux opérateurs du poste de chargement une odeur irritante d’ammoniac (NH3). Un employé observera un nuage blanchâtre durant 1 h sur le site. Conformément aux consignes en vigueur, le personnel se confine préventivement et alerte la salle de conduite de l’usine. Celle-ci ne signale aucun incident de fonctionnement et les chargements reprennent à 22h15 après un contrôle atmosphérique effectué par les pompiers internes.

A 22h20, l’un des chauffeurs présents dans la raffinerie voisine de l’usine est victime de maux de tête et de nausée ; transporté à l’infirmerie de la raffinerie, il sera ensuite évacué vers l’hôpital le plus proche avant d’être arrêté 4 jours. Le responsable de la conduite de l’unité NH3 alerte le cadre d’astreinte à 22h26 ; ce dernier se rend à son arrivée en zone de chargement et ne constate aucune odeur anormale. Les pompiers internes effectuent de nouveaux contrôles atmosphériques hors du site entre 23 h et 23h30 qui ne révèlent aucune anomalie. Le cadre d’astreinte se rend à 23h30 en salle de contrôle, constate à la lecture des rapports consignés dans le journal de l’unité NASC que le laveur des vapeurs issues de la synthèse du NASC n’était pas en service au démarrage et commande l’arrêt de l’unité à 23h50. L’exploitant n’informera l’inspection des IC du malaise du chauffeur que plusieurs heures plus tard.

Le responsable du secteur ammonitrate dont dépend l’unité NASC a redémarré l’unité sans mettre en service le laveur des vapeurs provenant du réacteur de synthèse du NASC où l’ammoniac (NH3 toxique par inhalation) est neutralisé par l’acide nitrique (HNO3), la canalisation reliant le laveur au bac de dissolution étant bouchée. Ce mode de fonctionnement est contraire à la procédure de redémarrage de l’unité qui prévoit explicitement la mise en service préalable du laveur avant celle du réacteur de neutralisation. Cette modification de la procédure n’a fait l’objet d’aucune analyse de risque préalable et n’a pas été validée selon le processus de gestion des modifications prévu par l’exploitant.

Les vapeurs du réacteur non lavées, rejetées à l’atmosphère par la cheminée de l’atelier haute de 63 m, ont formé un nuage de nitrate d’ammonium (NH4NO3 / substance irritante) et d’NH3, le pH dans le réacteur étant progressivement devenu basique (pH = 8 à 23 h). Des visites d’inspection administratives antérieures avaient déjà mis en évidence des défaillances dans la mise en oeuvre du processus de gestion des modifications des procédures d’exploitation.

La cheminée de l’unité n’est pas équipée de dispositifs d’alarme permettant aux opérateurs de détecter rapidement une émission d’NH3 à l’atmosphère. De plus, les dispositions de fonctionnement demandées par l’administration n’ont pas été respectées par l’exploitant, le fonctionnement de l’unité de fabrication de nitrate d’ammonium sans laveur de gaz étant interdit. Enfin, l’exploitation de l’unité NASC sans dispositif de lavage des gaz n’est pas décrit dans l’étude des dangers de l’usine, d’où une méconnaissance et un manque de formation du personnel d’exploitation de l’unité des risques liés à la mise en service du laveur. La défaillance ponctuelle de l’exploitant dans la gestion de la maîtrise des risques a conduit la Direction du site à un rappel de la procédure d’analyse de risques préalable à toute modification. Un rejet accidentel de dioxyde d’azote s’était déjà produit 48 h auparavant (ARIA 41423).