Pollution
Humain
Environnement
Economique

Dans l’un des ateliers d’une usine fabriquant des intermédiaires de synthèse organique, une réaction s’emballe et une explosion (1 kg équivalent TNT) a lieu à 21h10 dans la colonne de verre de 3,5 m de haut surplombant un réacteur de 3 000 l. L’explosion provoque un départ de feu dans l’unité de fabrication. Un nuage de 110 kg d’acide chlorhydrique (HCl) se forme au dessus du site, puis se disperse en quelques minutes vers la mer du nord grâce au vent favorable. Le bruit alerte les opérateurs qui mettent les installations en sécurité à 21h12, le POI est déclenché. Les employés commencent à lutter contre l’incendie avec les moyens internes. Les pompiers qui mobilisent d’importants moyens (50 hommes, 6 camions dévidoirs et 3 fourgons), constatent à leur arrivée à 21h20 que l’incendie est presque circonscrit. Ils refroidissent le bâtiment et le réacteur accidenté avec 4 lances pendant que le site est évacué et que la bretelle d’accès à l’autoroute voisine est fermée. L’incendie est maîtrisé à 21h40. En binôme avec quelques employés, ils inspectent les unités voisines pour détecter d’éventuelles fuites de produits toxiques liées à un effet domino. Prévenu par les pompiers, le sous préfet sur place à 22 h répond aux questions des médias. L’accès à l’autoroute est réouvert à 23 h suite à la levée du POI, les pompiers quittent le site à 0h30 en laissant un fourgon en surveillance.

Les 180 m³ d’eaux d’extinction ont été collectées dans le bassin de rétention du site puis traitées. Parmi les 12 employés présents, 8 sont examinés et 5 restent hospitalisés pour observation durant la nuit ; l’un d’eux présente des signes de troubles auditifs car il a été le plus exposé au souffle de l’explosion. Les autres unités / réacteurs du site ne sont pas atteints. L’exploitant nettoie la zone accidentée pour éviter des blessures par chute des morceaux de bardage restant accrochés à la structure du bâtiment. Les activités du site reprennent 48 h après. Une entreprise voisine se plaint de la gestion de la communication autour de l’accident, son nom ayant été cité dans les premiers articles de la presse locale et nationale. L’inspection des IC prévenue le lendemain midi se rend sur place. L’exploitant évalue les dommages matériels à 700 k Euros : bardage léger et charpente métallique du bâtiment, instrumentation, colonne et installation de reflux du réacteur, ainsi que les installations électriques et pneumatiques du bâtiment accidenté et du bâtiment voisin suite aux effets thermiques.

Le jour de l’accident, une fabrication par batch était en cours depuis 15 h par addition à froid de 1 000 kg d’un composé éthylénique liquide avec 750 kg d’un composé silylé liquide très inflammable et volatil (hydrosilane). Le mélange homogène devait ensuite être versé dans un 2e réacteur à 100 ° C en présence de catalyseur (acide chloroplatinique hydraté) pour former le produit final. La maîtrise de la réaction d’hydrosilation est assurée par l’introduction progressive du mélange. A 21h10, une montée brutale de la température du mélange a provoqué une surpression et l’éclatement pneumatique de la colonne. L’hydrosilane s’est hydrolisé en HCL au contact de l’air humide et s’est aussi décomposé en H2 à l’origine du départ de feu.

L’enquête montre que pour compenser la perte d’activité du catalyseur (7e batch consécutif) entraînant un rallongement de la durée du batch, un opérateur prend l’initiative d’introduire une dizaine de g de catalyseur neuf dans le réacteur accidenté en même temps que les matières premières. Les études bibliographiques et les essais en laboratoire montrent en effet que la réaction ne peut s’amorcer dans le réacteur à basse température (5 – 20° C), l’écart avec la température nécessaire à la synthèse (90 ° C) apparaissant comme un garant de la sécurité réactionnel de cette modification jugée mineure. Pourtant, les essais menés par l’exploitant après l’accident révèle qu’à ces températures une réaction d’hydrosilylation exothermique peut survenir après une période d’induction de plusieurs heures en présence de traces d’alcool. Le catalyseur ayant été mis en solution avec une cétone, une quantité infime (de l’ordre de 0,01 %) s’est retrouvée dans le mélange au sein du réacteur et a été réduit par l’hydrosilane, réduction favorisée par l’effet de masse. Malgré un processus d’analyse des risques réactionnels rigoureux et la synthèse de 36 batch sans accidents en 6 ans, l’accident s’est produit sur le seul batch pour lequel le procédé a été légèrement modifié. L’exploitant rappelle aux opérateurs que 1) selon les critères de sécurité de l’usine, cette modification aurait du être classée comme notable et faire l’objet d’une analyse collégiale approfondie avant sa mise en oeuvre 2) toute modification unilatérale d’un procédé doit être motivée et faire l’objet de mesures de sécurité compensatoires.