Pollution
Humain
Environnement
Economique

Vers 12 h, 4 travailleurs sont tués dans une raffinerie lors du remplacement de tuyaux corrodés sur une tour de distillation de 46 m de haut alors que l’équipement était encore en fonctionnement et donc contenait de grandes quantités de vapeur et de liquide inflammable.

Des opérateurs, sous la direction d’un chef de maintenance, tentaient depuis le matin de remplacer une portion de tuyauterie de naphta corrodée à 34 m de haut à proximité de la tour de distillation. Après une première découpe vers 10 h, une 2eme coupe est entreprise 30 min plus tard 8 m plus bas lorsque du naphta (mélange d’hydrocarbures volatils qui s’enflamme spontanément à 232 °C) commence à suinter, forçant les opérateurs à reboucher immédiatement la brèche. Après leur pause déjeuner (vers 11h30), les opérateurs s’installent à nouveau sur les échafaudages (12 à 30 m plus haut) et tentent de vidanger la tuyauterie en ouvrant une bride dans le tuyau et en dirigeant le naphta dans un récipient à l’aide de bâches en plastique de fortune et d’un seau. L’opération se déroule sans problème pendant 30 min, quand soudain une partie de tuyau se rompt, projetant une grande quantité de naphta propulsé par la pression de vapeur venant de la colonne de distillation en exploitation. Le naphta s’allume sur la surface chaude (260 ° C)de la colonne de distillation et les ouvriers sont pris dans les flammes.

Malgré l’arrivée rapide des équipes de secours, l’incendie ne permet pas d’approcher les victimes avant 20 minutes ; un employé est mort sur le coup et 3 autres décèderont à l’hôpital de leurs brûlures. Le 5ème , qui s’est jeté de l’échafaudage pour échapper aux flammes, a subi de graves lésions mais a survécu.

L’enquête menée par le bureau pour la sécurité chimique (US CSB) révèlera de graves manquements à la sécurité, notamment :

  • Plusieurs fuites de naphta s’étaient produites depuis le 10/02. Chaque fuite avait été traitée en urgence individuellement mais aucune intervention n’a permis d’arrêter complètement le flux de naphta. Des vannes d’arrêt ont mal fonctionné à plusieurs reprises et des vannes de vidange ont été trouvées bouchées. Des inspections par échographie et radiographie confirmèrent que la tuyauterie et les vannes étaient fortement corrodées et devaient être remplacées.
  • Bien que le responsable de l’unité plaidât pour l’arrêt de la colonne avant l’intervention, le chef de la maintenance a décidé d’intervenir en gardant l’équipement en fonctionnement. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une analyse ni d’une validation hiérarchique.
  • Dans les 13 jours qui se sont écoulés entre la première apparition de la fuite et l’accident mortel, le personnel a raté de nombreuses occasions de réévaluer les dangers liés au remplacement de la canalisation et de prendre les mesures nécessaires (telles que l’arrêt de la colonne de fractionnement).
  • La raffinerie ne disposait d’aucune planification systématique des travaux et de leurs processus d’autorisation. En particulier, aucune évaluation formelle des risques n’a été réalisée avant ou pendant la maintenance et les gestionnaires et les spécialistes de la sécurité n’ont pas été suffisamment impliqués dans la prise de décision et le contrôle.

La corrosion extrême des vannes et de la tuyauterie est due à la présence d’un « dessaleur » de pétrole brut en amont du système qui a été utilisé au delà de ses capacités. L’équipement, qui sert à enlever le sel, l’eau et les solides du pétrole, s’est retrouvé surchargé par le traitement de quantités excessives de pétrole brut à forte teneur en eau. En conséquence, de l’eau et des matériaux corrosifs comme le chlorure d’ammonium ont été entraînés vers la colonne de distillation, attaquant la tuyauterie et les vannes. Aucune évaluation spécifique (procédures de gestion des modifications…) n’avait été effectuée pour déterminer dans quelle mesure les changements opérationnels (qualité du pétrole alimentant le procédé, augmentation des volumes traités…) pouvaient aggraver le risque de corrosion.

Le CSB effectue des recommandations de sécurité, notamment:

  • La mise en oeuvre d’un programme pour s’assurer que les travaux dangereux et non routiniers de maintenance sont effectués en toute sécurité,
  • La réalisation d’une analyse de risques par une équipe multidisciplinaire préalablement à tout travail dangereux,
  • La prise de décision à un haut niveau hiérarchique pour des opérations dangereuses (incluant une procédure écrite pour la décisions d’arrêt préalable des équipements dangereux),
  • L’amélioration des programmes de gestion des modifications et de contrôles de la corrosion.

En janvier 2000, la société accepte de payer 2 M$ d’amende et de compensation (1M$ pour une clinique et 945 000 $ d’amendes pour violations de la réglementation).