Pollution
Humain
Environnement
Economique

En pleine nuit, pendant un week-end de jour férié, des policiers en patrouille remarquent des flammes s’élevant d’un entrepôt de phytosanitaires. Ils préviennent le poste de garde qui appelle les pompiers. Mais l’incendie ayant été découvert tardivement. Les secours internes sont en action depuis 20 min quand des pompiers de sites voisins interviennent en renfort. Au total, 200 pompiers sont mobilisés. Les flammes hautes de 80 m sont visibles à plus de 10 km. Des explosions projettent des bidons enflammés de 200 l qui percent les toitures avant d’allumer de nouveaux feux.

Des mercaptans dans les fumées entraînent une odeur d’œuf pourri. Au petit matin, le vent pousse les fumées Vers Bâle. Vers 4 h, l’alerte chimique est déclenchée. La population (environ 300 000 personnes) est invitée à se confiner.  Le bassin de rétention aménagé sur le site ne pouvant contenir que 50 m³ d’effluents, 10 000 m³ d’eaux d’extinction s’écoulent pendant 28 h par le réseau des eaux usées dans le RHIN qui se teinte en rose. 30 t de produits toxiques (organo-phosphorés et organo-mercuriels) anéantissent toute vie aquatique sur plus de 250 km. La pollution atteint Rotterdam à 1 000 km en aval. La pêche est interdite pendant 6 mois.

14 personnes incommodées par les émanations gazeuses sont soignées à l’hôpital.

Le délai entre le début du sinistre et l’alerte des bâlois et des pays riverains (3 h après le début de l’incendie) indigne l’opinion publique. Suite au sinistre, les centres opérationnels définissent une procédure locale. Le lendemain, les ministres de l’Environnement de la France, Allemagne et Suisse se réunissent à Zurich pour convaincre la Suisse d’adopter une législation similaire à la directive SEVESO et de financer la restauration du fleuve. La Suisse adopte une telle législation, renforçant ainsi la sécurité des sites industriels et améliorant les échanges d’informations entre pays riverains en cas d’accident et notamment de pollution chimique. L’année suivante, un plan ambitieux de reconquête de la qualité du fleuve est mis en place et 6 centrales d’alerte surveillent en continu un tronçon du RHIN et 2 autres pour MOSELLE.

Le coût des mesures de nettoyage, décontamination ou réhabilitation de l’environnement dépasse les 257 MF, soit 39 M€.

Selon les autorités, le sinistre aurait pour origine l’inflammation d’une palette de bleu de Prusse (ferrocyanure ferrique), produit utilisé en agrochimie et en viticulture. Des essais réalisés par l’exploitant montrent que cette poudre bleue foncée à base de sels de fer et de ferrocyanure de potassium, au point éclair relativement bas (230 °C), peut se consumer plusieurs heures sans flamme et sans odeur avant de s’enflammer.

Le bleu de prusse faisait l’objet d’un stockage particulier, les palettes étant emballées dans un plastique thermo-rétractable chauffé avec un pistolet spécial. L’opération était à réaliser à l’extérieur et suivie d’une demi-journée d’exposition au grand air, afin de permettre d’identifier un éventuel début de combustion. Les palettes ne devaient par ailleurs pas être stockées à côté d’autres produits toxiques / inflammables dans l’entrepôt.

Ces consignes n’avaient pas été respectées. L’avant-veille de l’accident, 10 t de bleu de prusse avaient été emballées sous la halle, avec un thermoformage réalisé à 30 cm. Le produit avait ensuite été directement stocké près de 23 t d’insecticides et de 60 t d’herbicides, très inflammables et toxiques.

La configuration des installations de stockage a favorisé la propagation rapide du sinistre : précarité du recoupement intérieur du bâtiment, présence inopportune de palettes de bois dans les allées réduisant la distance entre la halle sinistrée et les autres…

Suite à l’accident, l’exploitant prend les mesures suivantes :

  • renforcement de la surveillance des stockages, en particulier la nuit et le week-end ;
  • réduction des quantités stockées (division par 4 des quantités autorisées dans chaque cellule de l’entrepôt, réduction d’1/3 des quantités de produits agrochimiques) ;
  • réduction de 60% des quantités de pesticides et insecticides produits ;
  • classification plus fine des produits et séparation des stockages en fonction des caractéristiques de dangers de produits ;
  • arrêt de l’utilisation de plusieurs substances dangereuses (phosgène, mercure…) ;
  • amélioration des procédures d’urgence (réduction des délais d’intervention par modification du système d’alarme…) ;
  • augmentation des capacités de rétention ;
  • mise à disposition hebdomadaire de l’état des stocks auprès des services de secours ;
  • nouvelle organisation sécurité / environnement à l’échelle du groupe industriel avec des renforts humains et matériels par division opérationnelle.

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