Pollution
Humain
Environnement
Economique

Un train de 72 wagons-citernes de 113 m³ (100 t) de pétrole brut et 5 locomotives, dévale sans conducteur à bord, une colline (pente de 1,2 %) et traverse une agglomération à 100 km/h. 63 wagons déraillent en centre-ville à 1h15. 4 explosions se produisent. 5 700 m³ de pétrole en feu propagent l’incendie en surface et via les égouts. Les secours établissent un périmètre de sécurité de 1 km de rayon et évacuent 2 000 personnes. La lutte contre l’incendie dure 2 jours. Des émulseurs fournis par une raffinerie voisine et le renfort de pompiers américains sont nécessaires.

Les conséquences lourdes d’un déraillement en pleine ville

L’accident a causé 47 décès, détruit 30 bâtiments et affecté 2 km² de zone urbaine. 1 200 habitants rejoignent leur logement après 3 jours, 600 après 6 jours. 115 entreprises ou commerces sont placés en chômage technique. 100 m³ de pétrole ont pollué la CHAUDIERE sur 80 km : une mortalité piscicole est observée, pêche et baignade sont interdites. 3 localités en aval arrêtent leurs captages et installent une conduite d’alimentation en eau potable temporaire pendant 2 mois.

L’entreprise ferroviaire ayant cessé de financer les travaux de dépollution le 17/07, le ministère fédéral des transports lui donne l’ordre de reprendre et engage 8M$CAN (5,8 Meuro) de dépenses qui lui seront répercutés. Le 22/07, l’Etat fédéral débloque 35 M$CAN (26 Meuro) pour la remise en état des infrastructures de la ville et verse 25 M$CAN (18 Meuro) au gouvernement du Québec pour rembourser les opérations de secours, d’évacuation des personnes et d’enlèvement des matières dangereuses. Ce dernier annonce un plan de 60 M$CAN (44 Meuro) supplémentaires pour l’aide d’urgence aux particuliers et entreprises sinistrés, la reconstruction de la ville et la relance de son économie. L’entreprise ferroviaire est placée en liquidation judiciaire le 7/08.

Le train était stationné en pleine voie, sans surveillance pour la nuit

Le jour de l’accident, le train est stationné à 23 h sur une voie de circulation, la voie adjacente disposant de taquets dérailleurs, étant indisponible. Le conducteur active le freinage pneumatique (affectant l’ensemble des wagons) et laisse en marche l’une des motrices diesel pour alimenter le circuit d’air comprimé. Il actionne ensuite les freins manuels de 10 des 72 wagons et des 5 motrices. Il quitte les lieux pour la nuit. A 23h50, les pompiers appelés pour un départ de feu sur la locomotive l’arrêtent avant d’intervenir, conformément à leur protocole. 2 techniciens de l’entreprise ferroviaire se rendent sur place. Aucune motrice n’ayant été redémarrée, la pression d’air baisse progressivement jusqu’à rendre les freins à air inopérants. Les freins manuels n’ont alors pas suffi à retenir le convoi.

L’accident découle de la conjonction de plusieurs facteurs :

  • stationnement en pleine voie sans surveillance : cette pratique est interdite le 23/07 par le ministère fédéral des transports (directive de 6 mois reconductible) ;
  • nombre de freins manuels serrés insuffisant selon le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) ;
  • modèle des wagons (DOT 111) connu pour la minceur de ses parois : le gouvernement canadien avait imposé une augmentation de l’épaisseur en 2011, mais elle ne s’appliquait pas aux wagons mis en circulation avant cette date ;
  • organisation de l’intervention sur la motrice : les agents de l’entreprise ferroviaire avaient confirmé la sûreté de la situation avant de quitter les lieux ;
  • caractérisation du produit transporté : les analyses commandées par le BST ont établi que le pétrole brut léger de fracturation hydraulique transporté était plus volatile et inflammable que prévu dans les documents de transport (catégorie II et pas III : point éclair inférieur à 23°C).

Nombreuses leçons tirées de la catastrophe

A la suite de l’accident, le ministère fédéral des transports impose la présence de 2 conducteurs par convoi de matières dangereuses afin de mieux déceler les erreurs d’exécution et faciliter les actions manuelles (le serrage des freins manuels prend 2 à 3 minutes par wagon à un opérateur). Il exige également que l’ensemble des pétroles bruts transportés soient retestés avant expédition. Une évolution de la réglementation impose également que les wagons-citernes soient construit en acier plus épais et munis de dispositifs de protections des raccords supérieurs ainsi que de boucliers protecteurs.

En France, le risque de dérive des trains est réduit notamment par l’emploi de freins à sécurité positive (bloquant le wagon en cas de pression d’air insuffisante) et de cales anti-dérive.