Pollution
Humain
Environnement
Economique

Enfouie depuis 36 ans à 2,5 m de profondeur sur un site Seveso liquéfiant de l’air pour l’industrie lorraine, une canalisation d’oxygène (O2) à 40 bar éclate à 13h45 en limite de propriété, au droit de son passage dans des buses béton sous une voie ferrée de l’usine. Le POI est activé, pompiers et gendarmerie interviennent. A 14h30, 26 % d’O2 sont relevés à 5 m du tronçon isolé. L’exploitant informe ses clients et diffuse un communiqué de presse à 18 h.

Une canalisation d’O2 non gainée et une d’N2 passant aussi en gaine béton sous les rails sont proches de l’ouvrage endommagé. Alimentant les systèmes de sécurité de plusieurs sites, celle d’N2 très proche qui aurait pu être endommagée avec risque de rupture, ne peut être arrêtée sans entraîner l’arrêt des installations clientes.

L’inspection des installations classées demande un périmètre de sécurité autour de l’oxyduc, une baisse de la pression d’N2 et une caméra de surveillance. Au titre de la « législation canalisations », un arrêté préfectoral confirme ces points et demande des expertises sur la métallurgie du tube endommagé et les aspects géotechniques liés à sa pose.

Soudé hélicoïdalement, en acier E24-4 (ép. 4,9/4,3 mm min. / PMS 44 bar) revêtu de brai de houille avec protection cathodique (- 1,4 V), l’oxyduc de DN 300 «déroulé» en bande sur 1 m baigne dans l’eau. Un cratère (Diam. 7 m / Prof. 3 m) s’est formé, boue et fragments de chaussée/béton ont été projetés à 50 m, des débris de 1 et 15 kg à 60 et 30 m. Un mur en béton proche est en partie détruit, la clôture est détériorée. L’équivalent TNT est évalué à 0,14 kg. Aucun départ de feu n’est noté sur le tube, mais un transformateur 220 / 24 V s’est enflammé à 3 ou 4 m. La canalisation s’est vidée sur 13 km libérant 257 t d’O2 (180 000 m3). Les dommages sont évalués à 1,05 Meuros.

Il n’y a eu ni agressions mécaniques (travaux), ni surpression selon les enregistrements. L’inspection des installations classées reçoit un compte-rendu sur l’accident (POI compris) et un dossier technique pour la canalisation. Les tubes prélevés restent 2 mois à l’air libre avant d’être remis aux experts. Notant en août une corrosion généralisée, l’inspection demande leur mise à l’abri.

Les rapports d’expertise intermédiaires évoquent défaut de pose, qualité du sol/remblai, tassements différentiels des couches du sous-sol de piètre qualité dus à la voie ferrée… Des phénomènes qui auraient été visibles en surface, mais non rapportés selon l’expert qui retient une corrosion favorisée par des immersions prolongées dues à la nappe fluctuante (Moselle) peu profonde (- 2,2 m), bactéries sulfato-réductrices ou chlorures expliquant les cratères sur la surface externe des tubes. L’enquête révèle aussi un tronçon de canalisation remplacé (plus épais) à 5 m de la rupture et l’ovalisation inattendue d’une extrémité du tube.

Le rapport d’expertise métallurgique final retient plusieurs facteurs combinés : défaut d’étanchéité du fourreau, battement de nappe dans celui-ci créant des discontinuités de milieu pour l’électrolyte et une moindre protection cathodique, dégradation locale du revêtement avec décollement du brai. L’eau atteignant l’interface brai/acier, une corrosion naissante perce la canalisation, une micro fuite d’O2 accélérant ensuite le phénomène.

L’exploitant étudie le caractère générique ou exceptionnel de l’évènement sur son réseau. Les éléments de REX à retenir concernent :

  • l’activation du POI (site Seveso haut) et non du PSI, l’accident étant en limite d’usine sur un ouvrage de transport et non une «tuyauterie d’usine» ; leurs limites sont à préciser dans les études de sécurité : degré de couverture de la canalisation dans le POI…
  • les études de sécurité sur les techniques de pose et l’hydrogéologie / géotechnique locale à compléter pour mieux appréhender l’aléa “battement de nappe”,
  • les distances d’effets « ruptures brutales » : cratère, mur, projections. Au-delà des données des «études de sécurité» de l’exploitant à vérifier, les zones ELS, PEL et IRE pour de telles canalisations pourraient être revues.
  • hors travaux tiers ou mouvements terrains, la corrosion comme évènement initiateur d’une rupture.

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